C’est article va être, comme son nom l’indique, essentiellement technique et concerner l’élevage de reines
Il s’inscrit dans la continuité notamment de l’article sur le matériel à prévoir pour faire de l’élevage (ici), lui-même dans la suite de l’article sur comment multiplier son cheptel (par là).
Une fois que vous avez tout ce qu’il faut…
Notez que je vous décris ici la manière dont je procède à mon premier greffage de l’année.
J’ai une conduite plutôt minimaliste de production de reines, à petite échelle (une douzaine de cupules par greffage, soit en moyenne 8 cellules royales à introduire). Je n’utilise pas de starter ou de finisseur, les mêmes abeilles élèvent les reines pendant 3 jours, puis j’introduits directement les cellules de 3 jours (protégées) dans mes nucléi. Avec cette méthode, je n’ai effectivement souvent que 8 ou 9 reines sur 11 cupules greffées, et c’est déjà bien suffisant pour mes besoins !
Je tiens pour compte que vous connaissez déjà le cycle du couvain royal !

/ | oeuf | 3 jours | jour 1 à jours 3 | ||
1 | larve | 5 jours | jour 4 à jour 8 | exemple 1 greffage le 14/04/2023 ->Introduction le 17/04/2023 | exemple 2 greffage le 25/04/2023 ->Introduction le 28/04/2023 |
2 | nymphe | 7 jours | jour 9 à 15 | fragile (surtout J10 et J11) ne pas déranger | |
3 | naissance | 1 jour | 16è jour | -> contrôle des naissances à partir du 26/04 | -> contrôle des naissances à partir du 07/05 |
/ | fécondation | 1 à 3 jours | 10 à 15 jours après l’imago | selon météo ne pas déranger | |
4 | ponte | 1 à 3 jours | 5 à 7 jours après la fécondation | -> contrôle de la ponte à partir du 11/05 jusqu’au 17/05 | -> contrôle de la ponte à partir du 22/05 jusqu’au 28/05 |
5 | introduction en ruche de production | (selon taille du nucleus) | après 7 à 20 jours de ponte environ | -> introduction en ruche de production entre fin mai et début juin | entre début à mi juin |
Voir les références de la première colonne plus bas dans l’article
Commencer par préparer la ruche éleveuse
Comme on l’a vu dans la théorie, peu importe la manière dont vous vous y prenez pour avoir cette éleveuse. Par convention, je vais appeler l’espace où sera effectué l’élevage royal par les abeilles « ruche éleveuse ». Pourvu qu’elle soit orpheline, et remplie de jeunes abeilles.
Il convient donc d’avoir dans l’espace dédié : un maximum de nourrices. Les meilleures nourrices sont les jeunes abeilles. Votre ruche éleveuse comportera donc 1 ou 2 cadres de couvain operculé prêt à naître ou naissant. Peu importe sa provenance, vous pouvez mélanger les cadres de couvain operculé de plusieurs ruches si nécessaire. Vous introduirez toujours le couvain avec toutes les abeilles dont il sera recouvert (sans la reine, qu’il faut donc chercher à chaque fois).
J’aime bien l’idée que le premier greffage, c’est comme la première crêpe, c’est un tour d’échauffement, ça peut rater.
Pour que tout soit optimal, il faudrait que vous ayez un maximum d’abeilles de 12 jours dans votre éleveuse au moment de l’élevage, stade de nourrices. Mais ça veut dire prévoir 12 jours à l’avance votre planning de démarrage de l’élevage.
Comme l’élevage démarre lorsqu’il y a les premières naissances de mâles (il n’y a pas d’astuce, observez vos ruches), il faudrait préparer votre éleveuse finalement (au plus tôt) lorsque les premières nymphes des mâles commencent à avoir les yeux lila…. Ca devient compliqué (et c*iant !).
Dans tous les cas vous pouvez faire mieux que ce que je présente, mais selon moi : au risque de vous arracher les cheveux en cours de route…
J’aime la simplicité avec un maximum d’efficacité et sans prise de tête !
Il faudra aussi assurer que vos petites reines soient correctement alimentées. Il faudra donc que les nourrices trouvent à proximité miel et pollen en quantité, afin que les larves baignent dans de la gelée royale à profusion. Vous placerez 1 ou 2 cadres de provisions.
La ruche éleveuse doit être remplie d’abeilles afin d’assurer les meilleurs soins aux larves royales.
Cas d’une ruchette ou d’une ruche éleveuse isolée
Selon la durée pendant laquelle vous allez effectuer de l’élevage*, il n’est pas nécessaire de mettre tous les cadres dans la ruche éleveuse (les 4 cadres cites ci-dessus suffisent). Il suffit d’entourer le cadre d’élevage par du couvain et de mettre des provisions juste à côté.
* Vous pouvez effectivement faire de l’élevage en continu, ou uniquement ponctuellement en fonction de vos propres critères (besoin de reines, envie de faire un peu de gelée royale (dans un autre article ici ), temps dont vous disposez…)
Cas d’une ruche éleveuse incorporée à une colonie « normale » (finisseur horizontal)
Je trouve plus simple de gérer ce type d’éleveuse horizontale. Peut-être est-ce mon appétence pour n’avoir qu’une seule ruche à ouvrir ! lol
Quel que soit le nombre de cadre réservés à la reine dans cette ruche éleveuse, vous devez réorganiser toute la ruche, côté reine, et côté orphelin. Pendant cette opération, pensez à isoler la reine dans une pince à reine afin de la protéger, et de ne pas l’introduire par inadvertance dans l’espace orphelin dédié à l’élevage.
Lorsque vos larves greffées ne sont pas prises en charge par les abeilles, en dehors de votre dextérité (risque d’abimer les larves) et du choix des larves greffées (risque de greffer des larves trop âgées), la présence d’une reine dans l’espace sensé être orphelin est le premier critère à vérifier !
Vous organiserez donc la ruche comme suit :
Espace orphelin : 1 cadre ciré en rive (facilitera les manipulations), 1 cadre de provisions, 1 cadres de couvain operculé, l’espace pour le cadre de greffage, 1 cadre de couvain ouvert **, 1 cadre de couvain fermé.
** attention à ce que les abeilles n’élèvent pas sur ce cadre ! Il sert à attirer les nourrices
Il est assez facile d’établir des rotations de cadre avec ce système.
Au 2ème cycle : le cadre de couvain ouvert devient cadre de couvain fermé ; les cadres de couvain fermé, désormais vides, retournent du côté de la reine pour être pondus de nouveau ; un cadre de couvain fermé est prélevé du côté de la reine. Etc. (C’est beaucoup plus facile à faire qu’à décrire !)
Notez qu’il est indispensable de commencer par préparer l’éleveuse, afin de ne pas faire patienter les larves pendant que vous arrangez l’éleveuse.
Cela permet aussi que les abeilles se sentent orphelines et que cela développe leur envie d’élever.
Cela peut sembler surprenant, mais même une ruche contenant une partie orpheline et une partie avec une reine, aura toujours tendance à savoir élever dans la partie orpheline (même si, à quelques cellules près, une éleveuse véritablement orpheline est sûrement plus affairée à la tâche)
Que faire avec la ruche souche

Je vous propose de commencer en enfumant légèrement. Si c’est votre ruche souche, j’espère que vous avez pris en compte les paramètres tels que : la productivité en miel (ou en ce que vous voulez, propolis, gelée royale…), le sens du nettoyage des abeilles, un beau couvain sain et compact, une bonne tenue aux cadres, la faible propension à l’essaimage, et de la douceur ! Donc même avec un enfumage léger, vos abeilles ne doivent pas bouger !
Donc avec peu de fumée, vous allez ausculter chaque cadre à la recherche de la reine. Il s’agit de la préserver de toute maladresse. Une fois la reine trouvée (normalement vous l’avez déjà marquée, sinon c’est le moment de le faire), isolez-la dans votre pince à reine.
Partez ensuite à la recherche d’un cadre de couvain qui contient le plus de couvain ouvert (c’est là que vous aurez le plus de probabilité d’avoir des larves de moins de 24h).
Dans le couvain ouvert disponible, cherchez les œufs d’un côté, et repérez les « grosses » larves de l’autre. En général, la reine pond les générations les unes à côté des autres dans une forme de spirale comme un escargot. Donc tout près des œufs, vous devriez trouver de toutes petites larves légèrement incurvées, puis des larves de plus en plus incurvées jusqu’à être bien dodues et prendre tout l’espace. Si elles forment un « fer à cheval » elles sont déjà trop âgées. Les larves bonnes pour le greffage doivent être juste légèrement courbées.
Notez que les larves baignent dans un fond de gelée royale. C’est dans ce lit qu’il va falloir plonger votre picking, pour ressortir la larve dans la toucher directement.
D’ailleurs quand il fait vraiment très chaud, et si par malheur je n’ai pas mon éleveuse à proximité de ma souche, afin de ne pas dessécher les larves, je vais entourer mon cadre greffé avec un linge humide.
Nota : un cadre greffé se porte toujours « à l’envers » (avant d’être introduit à l’endroit bien sûr), afin que les petites larves restent bien au fond des cupules.
Manipulation
Après la lecture de l’article sur la théorie de l’élevage des reines, vous avez acquis ou fabriqué un cadre d’élevage, et installé des cupules sous la tête de cadre (possible avec un mini-plus) ou sur la barrette d’élevage (format dadant par exemple). Votre picking est prêt, vous aussi !
C’est ENFIN l’heure du greffage !!!
Installez vous convenablement pour bien voir le fond des alvéoles (nota : pour une fois, plus le cadre est sombre, mieux vous distinguerez les petites larves nacrées sur leur lit de gelée ! Un plus les cadres jaunes sont plus fragiles, j’ai déjà traversé régulièrement un cadre trop neuf en greffant…)
Si vous lisez ce blog, que vous avez 1 ruche éleveuse, 1 cadre de greffage, je vus invite à commencer par 1 seule barrette contenant maximum une quinzaine de cupules. Au delà, la qualité des reines risque de baisser par manque de soin tant il y aurait de bouches royales à nourrir. Vous verrez que quand il vous faudra avoir autant d’essaims à remérer, que de cellules que vous aurez produites, ça vous fera déjà une bonne journée de travail !
Une fois toutes les cupules garnies d’une petite larve, apportez rapidement ce cadre (en le tenant à l’envers, les cupules comme des petits bols) auprès de l’éleveuse déjà prête.
Retournez très délicatement le cadre, et introduisez-le dans l’éleveuse.
Nourrissez aussitôt (idéalement dans le nourrisseur intégré au cadre d’élevage commercial, sinon dans le nourrisseur que vous voulez au dessus de la partie élevage dans la mesure du possible), avec un nourrissement de stimulation 50/50. Pour être plus claire : donnez 1/2L à 1L du sirop suivant : 500g de sucre dans 1/2 litre d’eau pour faire simple.
Je vous rappelle que j’utilise la méthode avec l’introduction des cellules de 3 jours.
Il est donc absolument impératif, si vous suivez cette méthode, d’être libre 3 jours après le greffage !
Si vous voulez tranquillement faire des essaims le week-end :
– jeudi : greffage
– samedi : regardez très délicatement combien de larves ont été acceptées. Il suffit de compter le nombre de cupules qui ont été étendus. Commencez à faire les essaims pour introduire les cellules
– dimanche : finissez de faire vos essaims si ce n’est pas fini. Puis introduisez vos cellules de 3 jours.
Introduire les cellules de 3 jours
J’aime aussi cette méthode d’introduction à 3 jours, car toutes les manipulations délicates se font dans un court laps de temps (une fois les cellules introduites, on ne revient que 9 jours après pour contrôler la naissance, puis encore 15-20 jours après pour contrôler la ponte ! ).
Le luxe que j’y trouve, c’est d’avoir des estimations des prévisions météo assez fiables !
Aussi, si la météo à 3 jours est catastrophique, je peux reporter mon greffage ! C’est si simple !
Pour introduire une cellule royale de 3 jours, je vous conseille de n’avoir que des gants tout fins, ou pas de gants du tout. Vous ne devez effectivement manipuler que les cupules en plastique. La moindre déformation de la cire met en grand péril votre future reine !
Vous introduirez vos cellules selon votre type d’abeilles.
Soit idéalement dans un essaim orphelin depuis 24h si la colonie est noire et agressive ;
Soit dans un essaim orphelin depuis quelques heures pour une colonie assez douce ;
Soit sans délai recommandé dans un petit nucleus type mini-plus, apidea, etc.
Il convient de protéger les cellules. Soit avec des protèges-cellules du commerce, soit avec quelques tours d’un ruban de papier alu (pratique assez aisée avec des petites mains… au moindre doute, optez directement pour les protèges-cellule ! C’est nettement plus facile et efficace)(le seul inconvénient que je leur trouve, c’est d’en avoir sous la main quand on en a besoin 😅)
Notez que même si les abeilles avaient commencé un élevage royal, c’est votre reine qui naitrait la première car elle a 3 jours de plus que les autres. Je ne vous recommande pas de retirer d’éventuelles cellules royales naturelles que les abeilles auraient pu créer avec les cadres que vous avez introduits. Même avec une délicatesse infinie , vous risquez d’éborgner votre cellule royale, ou de la faire tomber du cadre…
Insérez la cupule ou le protège-cellule en périphérie de couvain, le plus proche possible du cœur du couvain. L’emplacement doit être au cœur de la colonie.
Je vous recommande ensuite de ne surtout plus y toucher jusqu’à la date théorique de naissance.
Contrôle des naissances
Si tout s’est bien déroulé, les petites reines ont dû naîtres !
Ôtez simplement les cupules et les protèges-cellules. Vérifiez que la cellule a bien été découpée par la reine.
Dans la majorité des échecs, vous trouverez la reine intacte, morte à l’intérieur de la cellule. A vous d’analyser votre pratique pour faire en sorte que ça se reproduise le moins possible.
Notez que si vous avez greffé trop gros mais que les abeilles ont accepté votre reine, alors vous aurez introduit des cellules fermées alors qu’elles auraient dû être encore ouvertes.
Or ce sont les premiers jours après l’operculation que la nymphe est la plus fragile… La moindre secousse trop brusque peut la tuer. Aussi, si vous avez introduit des « cellules de 3 jours » qui étaient operculées et avaient 10 jours au lieu de 7 (3 jour larve + 1 jour larve + 3 jours après le greffage), il faut envisager de greffer plus petit !
Lorsque vous vérifiez les naissances, ne cherchez pas la farouche petite reine vierge. Vous allez perdre votre temps, et la marquer risquerait de la rendre encore plus visibles aux prédateurs qu’elle pourrait rencontrer en vol (si tant est que le marquage va résister à l’assaut des mâles ?). Bref, si elle est née, réjouissez vous et refermez la ruchette/le nucléus !
Si l’étape de la naissance a échoué, vous pouvez : soit immédiatement réintroduire une cellule royale, soit réintégrer les abeilles (et les cadres le cas échéant) à une autre ruche/ruchette/nucléus.
A ce moment là, les abeilles sont déjà orphelines depuis un certain temps, et si vous ne faites rien, il se peut que les abeilles désertent la ruchette, attirée par les reines des alentours, que les ouvrières se mettent à pondre et la colonie serait perdue dans 99% des cas.
Pourquoi 99% des cas ? Tout simplement car il arrive que des reines reviennent de fécondation et se trompent de ruche ! Il serait donc possible, techniquement, qu’une reine arrive dans cette ruchette un peu par inadvertance.
Vérification de la ponte
L’étape suivante est le contrôle de la ponte.
Un jour de beau temps environ 7 jours après sa naissance, la reine va effectuer un ou plusieurs vols de fécondation.
Encore environ 7 jours après, elle devrait se mettre à pondre.
Ces paramètres étant dépendant de nombreux facteurs : météo, présence de mâles, nombre de vols de fécondation réalisés… il est possible que ça prenne jusqu’à 1 semaine de plus !
J’ai déjà été confrontés à trouver les tous premiers œufs d’une jeune reine que je croyais disparue, alors que je venais introduire une nouvelle cellule dans l’essaim que je croyais perdu !
Ensuite…
Vous pouvez soit garder les reine fécondées dans les nucléi lorsqu’ils sont d’un volume adapté. C’est le cas des reines fécondées en hausse, haussette, mini-plus, ruchettes…
Ce n’est pas le cas des reines fécondées dans des micro-essaims (apidea et Cie), le volume ne va pas permettre à la reine de développer la colonie, entre manque de provisions, manque de place pour pondre…. Ces nucléi ne servent vraiment que le temps de fécondation et de vérifier que la reine pond, avant introduction d’une nouvelle cellule royale.
Le but de tout ça est essentiellement de reproduire votre meilleure souche pour améliorer tout votre cheptel de production.
On parle dans un autre article de l’introduction des reines (sinon j’évoque déjà le sujet dans cet article !)

J’aime aussi beaucoup ce document de la Chambre d’Agriculture d’Alsace (2014).