Prévenir l’essaimage

L’essaimage est un processus naturel chez l’abeille, car c’est son mode de multiplication pour préserver l’espèce.
Vénéré par certains apiculteurs, la hantise des autres, cet article fait le point et vous présente comment je gère mes ruches au moment des essaimages.

Introduction

L’essaimage est donc le choix de l’évolution chez l’abeille domestique, pour garantir la survie de l’espèce.

Généralement au printemps, au cœur de la première grosse miellée, les abeilles vont entamer le processus s’essaimage. Il se passe généralement dans les ruches fortes et très populeuses, lorsque la colonie manque de place.
Une théorie dit que la reine ayant des difficultés à se mouvoir parmi la masse de ses filles, va donc moins distiller ses phéromones à travers l’ensemble de la ruche, ce qui va inciter les abeilles à élever.
Il a cependant été constaté des essaimages sur des ruches « pas si fortes » (une année, j’ai vu de l’essaimage sur des colonies qui peuplaient à peine plus de la moitié du volume de la ruche, autant dire que ce n’est pas le manque de répartition des phéromones de la reine qui a déclenché l’élevage royal !).
Autre paramètre qui va à l’encontre de cette théorie : un élevage de « sauveté » (lorsque la reine est absente (pas de phéromones) ou défaillante (?), et que les abeilles décident de la changer) ne se présente pas comme un élevage en vue d’essaimage.
Il y a donc sûrement un ou plusieurs autres facteurs qui déclenchent l’essaimage…

A ceux qui font l’apologie de l’essaimage

Impact sanitaire

A ceux, bien que rares, qui trouvent chouette de laisser partir un essaim :
Laisser volontairement partir un essaim de ses ruches, n’est pas un cadeau rendu à la nature, tel une offrande.
Aujourd’hui, une colonie sans apiculteur est le plus souvent menacée, et aussi une menace. Je m’explique :
Une colonie sauvage est menacée par la maladie, le varroa, la faim, la soif, la destruction (si elle choisit un « mauvais » endroit pour s’installer), le frelon asiatique…
Cette même colonie sauvage, si elle résiste un peu et trouve à s’installer par elle-même dans un endroit protégé, restera un foyer de choix pour les maladies, le varroa… et donc potentiellement en foyer d’infestation pour les ruches à 3km à la ronde (donc source de contamination pour vos propres ruches et aussi celles des voisins) .
C’est triste à dire, mais aujourd’hui, l’abeille se porte mieux quand un humain veille sur elle…

Impact pour l’espèce

On peut également ajouter qu’après des siècles de contre-sélection (expliquée dans le premier paragraphe de cet article), il est « urgent » de sélectionner nos abeilles « dans le bon sens ».
➡Une souche essaimeuse ne va pas dans le « bon sens ». Même en respect avec son cycle naturel, les abeilles capables de vider intégralement une ruche en faisant 3, 4 ou 5 essaims d’affilé. Et cela ne va pas créer 3, 4 ou 5 colonies en plus. Cette succession d’essaimages va déjà exterminer la ruche-souche, puis créer 3 ou 4 essaims miséreux qui mourront de faim ou d’une trop petite population avant la fin de l’hiver suivant….
Bénéfice pour l’apiculteur : aucun.
Bénéfice pour l’espèce : aucun.
➡ une souche qui ne produit pas de miel ne va pas dans le « bon sens ». Si un apiculteur venait à récupérer l’essaim, et que ce dernier ne produisait pas, il est peu probable qu’il fasse long feu. (chez moi, il servirait à donner du couvain pour créer de nouveaux essaims, et la reine serait sacrifiée).
Bénéfice pour l’apiculteur : aucun.
Bénéfice pour l’espèce : vraiment pas garanti.

Impact génétique

Qu’il soit voulu ou qu’il vous échappe, un essaimage implique que la vieille reine parte. Vous allez donc changer de reine, et la vigueur de la colonie va également être impactée, non seulement par la nouvelle reine, mais par les semences des différents mâles, qui donneront leur caractère aux ouvrières. Dès lors qu’on travaille un peu en choisissant ses colonies, en multipliant les plus douces, les plus productives… on peut également parler de perte de patrimoine génétique.

Je revendique donc d’utilité publique, de contrôler autant que faire ce peut, l’essaimage de ses ruches.
Bénéfice pour l’apiculteur : préservation de caractères génétiques intéressants.
Bénéfice pour l’espèce : soins, entretien, préservation, multiplication (même artificielle ça reste favorable pour l’espèce !).

Les signes de l’essaimage

Je n’ai, en tout honnêteté, jamais décelé de signes d’essaimages sans ouvrir les ruches. Je suppose que, pour qui aurait la possibilité d’observer une ruche, des heures durant, parviendrait à détecter une certaine agitation précurseur de l’essaimage….
Mais je dois donc ouvrir mes ruches !

La plupart des ruches qui essaiment, contiennent des reines qui ont déjà fait une saison. Les jeunes reines de 1 an sont nettement moins portées sur une envie de coloniser le monde.

La présence de cellules royales

Ouvrir les ruches pour prévenir l’essaimage est une activité de longue haleine. Il faut ouvrir toutes les ruches, et inspecter tous les cadres, sans exception.
Lorsque les abeilles sont douces et vraiment très nombreuses, il est même parfois indispensable de les secouer, pour détecter les cellules royales qu’elles dissimulaient sous leurs corps.
Le tout, comme d’habitude, en prenant soin de ne pas escamoter la reine dans une manœuvre malheureuse..

L’absence d’œufs

C’est le stade critique où la reine est « au régime » afin de « mincir » pour pouvoir s’envoler. Elle cesse donc sa ponte.
Mais lorsqu’elle est déjà partie, il n’y a plus de ponte non plus.

Dès que je constate qu’il n’y a plus d’œufs dans une ruche, je cherche frénétiquement la reine (souvent vainement, elle ne m’a généralement pas attendue !).

➡➡➡ EN L’ABSENCE DE COUVAIN FRAIS, D’OEUFS, (ET DE REINE même si vous avez le doute d’être passé à côté), IL EST INDISPENSABLE DE LAISSER AU MOINS UNE CELLULE ROYALE POUR ASSURER LA SURVIE DE LA COLONIE !
Sans reine ni possibilité d’en refaire une, la colonie est vouée à sa perte si vous cassez toutes les cellules.

Suite à donner à cette ruche : vous pouvez lui laisser une (seule) cellule pour que les abeilles rémérent leur colonie. Si vous laisser plusieurs cellules, il va persister le risque qu’un essaim parte avec une des reines vierges !!
Voir paragraphe concerné ci-dessous sur la fabrication d’essaims artificiels.

Moins d’abeilles, moins de rentrées de nectar, des hausses délaissées

Ce sont les caractéristiques des ruches qui ont malheureusement déjà essaimé. On observe une population divisée de moitié. Les abeilles sont deux fois moins nombreuses pour s’occuper de toutes les tâches, et notamment du couvain. Il n’est plus l’heure de stocker des provisions, elles unissent leurs forces pour gérer d’abord le couvain !
Pour l’apiculteur, il ne récoltera pas plus que ce qui est déjà dans les éventuelles hausses en place !


La surveillance de la ruche

Rappels

Je vous invite à avoir toujours en tête le déroulé de la vie larvaire d’en reine. (jusqu’à la fin de votre dernière saison apicole)

Rappels utiles :
N’importe quelle larve a le potentiel pour devenir reine. Elle doit tout de même ne pas avoir plus de 3 jours stade « larve ». Une larve de 3 jours a également 3 jours de stade « oeuf ». La larve en est donc à son 6è depuis la ponte (au delà, les larves sont trop vieilles).
Une fois operculées, les larves naissent en moins d’une semaine.

Je constate la plupart du temps* :
une fois qu’il y a des cellules royales d’essaimage operculées, cela coïncide avec une absence d’œuf. Cela signifie que la ponte est stoppée depuis au moins 3 jours. Bien souvent la reine est déjà partie.
* Le départ d’un essaim reste toutefois conditionné par la météo.

Ce qu’il faut surveiller

Mes observations tendent à arriver à 2 conclusions :
(n’hésitez pas à faire part de ce que vous constatez chez vous dans les commentaires en bas de page !)

  1. Il faut intervenir avant l’operculation d’éventuelles cellules royales d’essaimage
  2. Il faut par conséquent passer très régulièrement. La théorie voudrait que l’on passe tous les 3 jours. Ce sont en effet les derniers jours de stades larvaires de la reine :
    lorsque la larve est identifiée comme future reine,
    dans une cellule royale,
    et pas encore (ou tout juste) operculée.

Sauf que dans la pratique, on ne va pas se contenter d’exterminer les cellules royales. Je vous invite à profiter de l’occasion pour faire baisser la pression de l’essaimage dans la ruche. Et c’est très simple :

Commencez par trouver la reine.(pour la marquer, la sécuriser, et être absolument sûr qu’elle n’a pas déjà essaimé). Ôtez ensuite les les cellules royales. (uniquement si vous avez bien trouvé la reine, ou de la ponte de moins de 3 jours). Puis allégez la ruche d’en moyenne 2 cadres de couvain. La vie de la ruche pourra reprendre son cours.

Vous repassez sur les ruches où vous avez ôté les cellules et fait un essaim artificiel, après 1 semaine environ. Vous pourrez vérifier que tout est bien rentré dans l’ordre. Ainsi, la surveillance des ruches, qui dure environ 2 à 2,5 semaines, est bien plus facile à effectuer.

Il faudra par contre plus de vigilance sur les ruches en cours d’expansion. Celles-ci peuvent décider d’essaimer d’un moment à l’autre ! Mais ces ruches en expansion n’ont (donc) pas de hausse et sont plus rapide à visiter !

Les méthodes de prévention

Cas « général »

C’est le suivi général de vos ruches et de la végétation qui vous indiquera les moments où redoubler de vigilance.

Je vous invite à effectuer votre surveillance selon ce que j’explique dans cet article sur le suivi de vos ruches.

Les ruches sont à surveiller comme le lait sur le feu lorsqu’elles autour de 80% d’occupation en couvain.
En dessous de 7 cadres de couvain, la surveillance peut être moyenne. La ruche devrait monter à 8 cadres de couvain en moins de 7 jours en cas de miellée. (sinon, c’est peut-être une ruche à ne pas garder ? 😅 )
Il peut arriver de rares années « full essaims » qu’une ruche essaime en ayant peu de cadres de couvain, encore beaucoup de place pour pondre, et même pas assez de population pour justifier une hausse. <Dans tous les cas, au premier départ constaté, il ne vous reste plus qu’à redoubler de vigilance et commencer les cycles de visites complètes avec vérification de tous les cadres, sans délais.

Cas particulier : blocage de ponte

Il y a un cas particulier où le nombre de cadres de couvain a peu d’importance. C’est lorsqu’une ruche essaime par manque de place pour que elle pondre. On parle de blocage de ponte.
A chaque visite, vous devrez donc vérifier que la ruche n’est pas saturée de provisions.

Si la ruche est pleine de provisions :
– nectar frais : mettre une hausse
– miel frais : récolter ce cadre de corps comme un cadre de hausse. Compléter avec autant de cadres gaufrés que nécessaire, ou un mix de cadres gaufrés et de cadres bâtis vides
– miel ancien cristallisé : retirer et stocker ce cadre à l’abri des rongeurs, de la teigne, etc (par exemple : en congélateur). Il pourra vous servir à nourrir une ruche qui en aura besoin à un autre moment de l’année. Remplacer par autant de cadres gaufrés que nécessaire, ou un mix de cadres gaufrés et de cadres bâtis vides.

Dans mon blog, je ne ferai l’apologie des partitions que le cas rare et très spécifique de l’hivernage de ruche trop grosse pour être à l’aise dans une ruchette, mais pas assez populeuse pour occuper toute une ruche dadant 10. Je n’évoquerai donc la possibilité de mettre une partition à un essaim, temporairement, que s’il vous manque cruellement assez de cadres pour compléter la boîte.

Synthèse

D’autres apiculteurs pourront vous présenter certainement d’autres méthodes pour faire passer la fièvre d’essaimage à une ruche… Mais je m’en tiens à mes dispositions, que je vous synthétise donc ici :

  1. surveiller vos ruches avec des visites régulières. Une fiche de suivi par ruche, une fiche pour suivre la végétation année après année
  2. si vous voyez des cellules royales, et présence de ponte :
    la reine est quelque part. Ôtez les cellules royales, en secouant les abeilles dans la ruche si nécessaire, et faites un essaim artificiel.
  3. Si vous voyez des cellules royales et une absence de ponte : essayez de trouver la reine…
    Si la reine n’est pas visible : laissez 1 cellule royale
    Si la reine est visible : ôtez les cellules royales, en secouant les abeilles dans la ruche si nécessaire, et faites un essaim artificiel.

Notez qu’une ruche qui a décidé d’essaimer et dont la reine a déjà stoppé sa ponte, va avoir tendance à stocker du nectar au milieu du couvain, sans que ce soit un blocage de ponte dû au nectar mais bien à l’essaimage en préparation. C’est la chronologie des événements qui vous indiquera la cause et la conséquence !


➡ Lire la suite dans l’article sur la fabrication d’essaims artificiels dans la prévention de l’essaimage.

un essaim qui vole dans le ciel
le départ d’un essaim est aussi beau que malheureux pour l’apiculteur qui voit ses abeilles décamper
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