On peut parler des bonnes pratiques apicoles (BPA) pour former les bases de l’apiculture, les notions essentielles de ce qu’il faut faire (ou ne pas faire).
Mais qu’est ce qu’il est intéressant d’en retenir concernant la prophylaxie ? Quelles sont les mesures à prendre pour prévenir les maladies ?
Entre la réglementation et les enjeux pour les colonies, voici ma synthèse.
Cet article se base sur le guide des bonnes pratiques apicoles de l’ITSAP, institut de l’abeille (lien ici, et disponible en version papier chez les marchands).
Pourquoi cet article
Je choisis d’écrire cet article car le métier va mal.
Entre les frelons, la sécheresse, et le reste, être apiculteur actuellement relève d’un challenge que « les anciens » n’ont pas connu. Et là, je fais référence à l’année 1982, qui vous semblait peut-être anodine jusqu’à aujourd’hui… Jusqu’à ce que vous lisiez ceci : c’est l’année où le varroa a été signalé pour la 1re fois en France.
« Avant », le miel en gros valait parfois seulement 6 francs le kilo tellement les ruches regorgeaient de miel (là où il tourne péniblement à 5€ le kilo en 2022) soit 0,91€, ou, compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, le pouvoir d’achat de 6,00 Francs en 1982 est donc le même que celui de 2,21 Euros en 2022 (source INSEE). Ca ne fait quand-même pas beaucoup !
Donc, tout ça pour en venir au fait qu’il est indispensable de travailler proprement avec ses ruches pour leur éviter toute maladie (c’est la définition de « prophylaxie).
Il me semble donc indispensable de connaître les causes et les conséquences de ses actes (ou leur absence).
L’emplacement du rucher
Les abeilles volant jusqu’à 3km autour de leur ruche, il est assez impossible que ses abeilles ne côtoient pas, ici ou là, celles d’un apiculteur voisin.
C’est donc des des efforts conjoints de tous les apiculteurs qu’il est souhaitable que chacun soigne ses ruches pour ne pas infecter, ni son rucher, ni celui du voisin. Je vous réfère à mon article sur les maladies des abeilles.
Le second point reste toutefois controversé : il porte sur l’éloignement des ruchers…. J’ai moi-même eu des divergences d’opinion avec un apiculteur qui a installé ses ruches à 200m des miennes… Argumentant que ça mielle bien l’été.
Voilà. Ca mielle bien certaines années en juillet, parfois en août, et donc ça semble justifier une telle proximité.
Il va de soi que non, on n’installe pas ses ruches à proximité de celles d’un autre apiculteur. Une zone peut effectivement mieller à profusion à certaines époques de l’année, mais pas toute l’année pour plus de 70 ruches sur la même zone…
Toujours concernant l’emplacement des ruches, il vaut mieux éviter les zones (trop) polluées. Usines, centres-villes, ou même agriculture intensive…
Prophylaxie de la ruche
Prophylaxie de la ruche vide
En dehors de la ruche neuve qui n’a jamais vu une abeille, chaque élément de la ruche peut être un vecteur de maladie. Par ordre de sensibilité :
Les cadres de couvain
Ils peuvent contenir toutes les maladies du couvain. C’est aussi le centre de reproduction du varroa.
En cas de doute, de maladie avérée, ou d’infestation de varroa, il est fortement recommandé de ne pas intervertir de cadre d’une ruche à l’autre.
La meilleure solution pour s’en débarrasser est le feu.
Les cadres ayant servi au couvain (cadres souvent noirs) mais n’ayant a priori pas subit de maladie, peuvent être nettoyés à la chaudière à cire ou au cérificateur solaire si vous êtes patient.
Les cadres de provisions
Le miel peut également être vecteur de maladies.
Certains miellats sont également moins digestes pour les abeilles.
Le miel de colza, une fois figé, devient très compliqué à consommer, même pour les abeilles ! (Ne le gardez donc pas dans les cadres comme provisions de secours pour vos abeilles)
Idem pour le pollen, il a déjà été vu des intoxications en début de saison, avec un pollen « aromatisé insecticide » stocké l’année précédente !
Si votre ruche est morte de manière douteuse, ou si un rucher se développe bizarrement, vous pouvez suspecter l’environnement. Ne gardez pas les provisions équivoques.
(Ca ne vaut pas le coût de garder un cadre douteux, complétez vos ruches avec du candi, maison ou commerce, du sirop, maison ou commerce, ce sera toujours moins pire qu’un cadre pollué)
Les cadres de hausse
A moins d’une forte intoxication de vos abeilles (mais généralement elles n’ont même pas l’occasion de revenir à la ruche), les hausses sont généralement épargnées.
Vous veillerez toutefois à changer les cadres de temps en temps (mais comme ils ne noircissent pas à cause du couvain, tant que vous mettez une grille à reine, que vous ne faites pas de traitement anti-varroa (ou autre) avec la hausse, alors ça pose moins de contraintes).
Le couvre-cadres
Selon la matière, le sort du couvre-cadres est assez vite réglé.
J’utilise personnellement de la moquette type moquette fine et résistante, qu’on trouve dans les salons/cérémonies. Dès que mon couvre-cadre de fortune rend l’âme ou étant sur une ruche malade (quelle que soit la maladie), il part aux déchets.
J’aime ce couvre-cadre qu’on peut retirer sur 2cm si on veut, pour juste apprécier la densité de population de la ruche (ou de la hausse !) . Il est également souple et ne produit donc aucun craquement (contrairement aux couvres-cadres en bois, qui émet souvent un son claquant lorsqu’il se décolle de la ruche). Selon le type de nourrisseur qu’on souhaite utiliser, on peut réaliser une encoche où on veut sur sa surface. Il est transformable, en 2 plis, en couvre-cadres de ruchettes.
Le top !
Pour un couvre-cadre en bois : reste le feu, à plus ou moins haute dose. Soit un passage à la flamme. Soit un adieu définitif en fonction de la gravité de la chose.
Le corps de ruche
Dès qu’une colonie quitte une ruche, il faut gratter le corps de ruche au lève-cadres afin d’enlever les traces de propolis et de cire, puis passer l’intérieur à la flamme.
(Evitez de passez l’extérieur à la flamme, ça n’a pas d’intérêt, et selon la peinture utilisée, elle peut dégager des molécules toxiques sous l’effet de la température)
Ceci en dehors d’une ruche contaminée par la loque américaine (là il ne faudra RIEN garder, sans se poser de question. Ce mal étant une maladie à déclaration obligatoire, suivez les recommandations de votre GDS (groupement de défense sanitaire) ou autre)
Ayant eu la remarque, je reprécise qu’il est, à mon sens, totalement inutile de brûler les ruches neuves. Les abeilles s’installant régulièrement dans les arbres, on est en droit de se dire que l’odeur naturelle de l’arbre ne les dérange pas !
Le plancher de la ruche
A moitié dans ce chapitre sur la prophylaxie des ruches vides, à moitié dans le suivant sur celle des ruches pleines, les planchers sont idéalement nettoyés lors de la visite de printemps. Si vous avez des planchers standards, il suffit d’en prendre un de plus. Vous le glissez vous la première ruche, et vous récupérez celui qu’i était en place. Un coup de lève-cadres, un coup de chalumeau s’il est en bois (pas sur la plastique ! Ca fond !), et vous pouvez le glisser sous la 2è ruche, et ainsi de suite
Prophylaxie de la ruche pleine
Les cadres dans la ruche pleine
Je me pose la question tous les ans : si je dois retirer 2 cadres à chaque ruche, lesquels je prends ????
La réponse vient d’elle-même au moment de l’essaimage ! Il me suffit effectivement de faire un essaim artificiel (l’article est là) en prélevant généralement 2 cadres aux ruches fortes, et en répartissant en ruchettes les cadres des ruches faibles (non malades, juste la reine qui n’est pas au top). Je complète mes ruches fortes ainsi que mes ruchettes, avec des cires neuves.
Les cadres HS
Les cadres qui commencent à tomber en miette restent un fléau. En saison ils contiennent un couvain qu’il serait absurde de jeter. En hiver ils contiennent des provisions qu’il serait aberrant de jeter.
Je n’ai pas encore trouvé de meilleure solution que d’en bloquer l’accès à la reine en saison. Je place ensuite les cadres concernés à la place de 2 cadres de hausses superposées. S’ils contenaient du couvain, au bout de 21 jours toutes les abeilles sont nées. Les cadres seront certainement remplis de miel, que je pourrai récolter. Il suffira ensuite de ne pas remettre les cadres dans le circuit.
Notez que je n’évoque pas le couvain de mâle, qui prendrait 24 jours pour éclore, car les varroas affectionnent particulièrement le couvain de mâles, permettant une génération de plus de varroa dans ces grandes cellules longtemps operculées.
J’ai donc la manie récurrente, quand je tombe dessus, de couper et d’ôter le couvain operculé de mâles, laissant sur le côté les nymphes sacrifiées et les varroas condamnés. (Je peux réintroduire tel quel mon cadre en rive, les abeilles le reconstruiront en cellules de mâles et ça repartira pour un cycle).
Prophylaxie au niveau de l’apiculteur
La tenue
Sans y passer par quatre chemins, la tenue de l’apiculteur va de ruche en ruche sans qu’on s’en soucie vraiment (jusqu’à aujourd’hui).
Au même titre que les gants, qu’il faut nettoyer régulièrement, je vous recommande le lavage régulier de votre vareuse (en prenant garde à ne pas l’abîmer bien sûr, essorage léger).
Essayez si vous le souhaitez les petits gants latex ou vinyle non stérilisés et jetables. Vous les changez dès qu’ils sont sales, en fin de journée, ou après une visite suspecte. C’est à mes yeux la meilleure option de tout cet article en terme de prophylaxie !
Le matériel
J’ai opté pour un système de combustible de mon enfumoir, que j’allume avec un petit chalumeau/lampe à souder. La petite bombonne de gaz me dure plus d’un an, et je brûle des granulés de bois (j’ai toujours le même sac depuis plus de 3 ans). Ces granulés produisent une fumée blanche qui ne donne pas le goût au miel, c’est l’idéal ! (il existe peut-être d’autres combustibles qui remplissent ces conditions, mais notez que c’est simplement important : fumée blanche, froide, et sans dépôt d’odeur dans le miel).
Je me sers de mon petit chalumeau/lampe à souder pour désinfecter mon lève-cadres. En faisant attention à ne pas (trop) me brûler, je passe une extrémité du lève-cadres à la flamme pendant un moment. Puis une fois que c’est refroidit (si j’ai un seau d’eau ça va plus vite !), je fais l’autre côté.
Le soufflet de l’enfumoir est également à prendre en compte. Je vous invite à la plus grande vigilance olfactive lorsque vous ouvrez une ruche. En dehors de certaines miellées aux odeurs caractéristiques, votre ruche doit sentir l’abeille, la cire, et la propolis, c’est tout !
Pensez à changer votre enfumoir (ou au moins son soufflet) régulièrement (au moins 1 fois par an), à gratter la propolis qui peut s’être collée dessus, etc.
Remarques :
L’eau
Etant donné que nous allons vers un réchauffement climatique inévitable, je vous suggère également de proposer de l’eau à vos abeilles dès le printemps. Inutile d’attendre qu’elles prennent l’habitude d’aller s’approvisionner dans la piscine du voisin ! Leur proposer un point d’eau, avec des flotteurs pour éviter les noyades, est désormais quasiment une obligation.
(Vous veillerez autant que faire se peut, à ne pas entretenir de réservoirs à moustiques pour autant !).
Le passage à la flamme du bois
Comme indiqué dans les paragraphes correspondants, tous les éléments en bois peuvent (doivent) être passés à la flamme. Vous pouvez utiliser un système type lampe à souder (que j’ai évoqué pour allumer mon enfumoir), ou un chalumeau branché sur une bouteille de gaz (pensez au propane (et le détendeur qui va bien) si vous réservez une bouteille pour l’atelier, ça sera plus pratique pour réaliser vos travaux d’hiver… pendant le froid de l’hiver).
Un élément en bois va être considéré comme nettoyé :
une fois gratté au lève cadre
puis brunit à la flamme jusqu’à ce qu’il prenne la couleur « pain brûlé »
Il ne s’agit donc ni de rendre le bois incandescent, ni de passer à la va-vite.
Concernant les éléments cirés (cire, paraffine, mélange des deux…), comme le sont la plupart des nourrisseurs en bois par exemple, il s’agit de faire fondre suffisamment la cire, sans avoir réellement besoin de brunir le bois. C’est la solution sûrement la plus idéale quoique couteuse (en paraffine, en énergie pour la faire fondre, et en temps pour imprégner le matériel), car sous la chaleur, n’importe quelle spore, n’importe quelle bactérie, va immédiatement se retrouver « » »momifiée » » » dans la cire, incapable d’agir ni de contaminer qui que ce soit.
